lundi 11 février 2008

Après la vie, après la mort: la vie

Ayant fini de dégriser, en ce lundi matin (terminé pour moi le partage sous influence), et vivant une matinée particulièrement désagréable au travail, j'ai décidé de mettre un peu de gaieté dans ma journée en venant farfouiner dans ce coin-ci de l'océan.

Mettant enfin à profit mon demi litre de crème sûre et un après-midi peinard, j'ai finalement mis fin à la proscratination, hier, et fait une recette double de galette à la mélasse, aromatisées à la cardamone, au clou de girofle, à la canelle et au gingembre, broyés au mortier. Ce faisant, j'ai syntonisé Canal Vie et suis tombé sur un film (documentaire) que je voulais voir depuis très longtemps : Le voyage d'une vie, de Maryse Chartrand. Pour ceux qui l'ignore, je vous en dresse les grandes lignes: un couple et leurs trois enfants prennent une année off pour faire le tour du monde. Ce film qui devait, au départ, raconter leur voyage, a pris une tangente bien différente lors que le mari de la réalisatrice, Samuel, se suicide, un an après le voyage.

Pendant 1h31, le documentaire nous montre les images du voyage, une famille qui part à la découverte du monde, entrecoupées d'entrevues avec des intervenants et des professionnels, narré par les notes de voyage de Samuel et la réponse de Maryse, après le drame. Un amalgame bouleversant et saisissant. Un voyage qui devient un testament, un leg qui se veut éducateur et réflexif. Des statistiques bouleversantes nous submerge: le suicide est la cause de mortalité principale, au Québec, chez les hommes de 21 à 45 ans. Un constat grave et effrayant: la dépression tue.

Personnellement, je me suis sentie extrêmement touchée par ce récit. Parce qu'il aurait pu être le mien. Parce qu'une fois que la dépression et les idées suicidaires nous ont envahies, elles restent pour toujours et se nourrissent de nos moments de faiblesse. Ma chance à moi, c'est d'être une fille, d'avoir été encouragée à verbaliser mes émotions et mes pensées. Autre statistique troublante: chez les bébés naissants, les garçons manifestent leurs émotions 10 fois plus que les filles. À l'âge de 10 ans, ils les manifestent 50% moins que les filles, et il s'agit principalement de la colère.

Le mal-être de l'homme. J'ai déjà fait un travail là-dessus. J'avais présenté une analyse de la transition de l'identification masculine, au début du siècle, de l'homme fort vers l'homme soldat. Comment les homme,s qui perdaient de plus en plus leur place dans une société en plein essor industriel qui valorisait et récompensait le savoir et le type col blanc, plutôt que l'homme puissant et fort qui fait vivre sa famille par sa force de travail, s'étaient tournés vers la guerre et l'armée pour trouver leur place. Si la polémique était présente au début du 20e siècle, imaginez aujourd'hui.

Je vous recommande ce film pour plusieurs raisons. Premièrement, pour comprendre le cheminement du désespoir d'un individu, avant tout, d'un homme, ensuite. Deuxièmement, pour tenter de repousser les tabous de honte, de culpabilité et d'impuissance, généralisés, face au suicide. Troisièmement, pour admirer la force et la beauté de ceux qui reste, d'une épouse qui a le courage de sortir sur la place publique, de faire de la tragédie de sa famille un outil d'éducation et d'éveil, d'enfants qui survivent et qui aiment, d'une famille qui ne se résume pas au suicide de leur père. Parce que le Voyage d'une vie, c'est d'abord et avant tout, une histoire d'amour.

3 commentaires:

A.B. a dit...

J'ai écouté le film et j'ai pleuré à plus d'une reprise. J'en suis encore soufflée. Toute la souffrance de cet homme, cachée, et sa pendaison, tout ça est d'une extrême violence. Je ne pouvais m'empêcher de voir la détresse du père dans le fils qui, lui aussi, ne peut parler de son malheur, de son grand vide. Troublant.

La Marsouine a dit...

C'est fou hein? moi aussi la réaction et l'attitude du jeune garçon m'a frappée, comme si lui aussi était prisonnier de ce carcan masculin, de ce code de l'homme. Alors que les deux jeunes filles ont de la peine mais sont capable de la verbaliser, lui, il pleure et parle peu. On n'apprend pas aux jeunes garçons à mettre en mot ce qu'ils ressentent. On leur apprend à ravaler et à être «tough»...

A.B. a dit...

Exactement. En plus, le petit ressemble tellement à son père. J'avais l'impression de le voir, lui, à travers son fils. Au moins, il réussit à pleurer. Mais mon Dieu que la verbalisation et le partage de ses émotions lui sont difficiles (pour ne pas écrire impossibles).