lundi 3 mars 2008

Le vrai bonheur doit être partagé

C'est l'ultime constation du jeune Alexander Supertramp a.k.a Christopher McCandless, le jeune homme qui est à l'origine du livre Into the Wild de Jon Krakauer et du film de Sean Penn, qui porte le même nom. Pour ceux qui ne savent pas de quoi il s'agit, je vous résume le synopsis vite fait.

Au début des années 1990, un jeune homme de bonne famille qui vient de terminer le college (je ne comprends rien au système d'éducation américain.. mettons université) fait don de toutes ses économies (fond d'études, 24 000$ US) à OXFAM, brûle son argent, abandonne sa voiture, change de nom et disparaît sans prévenir qui que ce soit. Il est retrouvé mort en Alaska, deux ans plus tard (août 1992). Pendant ces deux années, il a consigné par écrit une partie de son expérience. Son objectif: se défaire de tout liens terrestres et matériels pour retrouver sa vraie nature, être en contact avec la nature sauvage. Le livre et le films sont inspirés de son périple et basés sur ses écrits.

L'Élu a lu le livre un peu avant les fêtes. Nous n'avions pas encore vu le film, snob que nous sommes, parce que nous digérons mal les versions traduites. Au mieux, tolérons-nous une version sous-titrée. Bref, le Clap a un spécial versions originales anglaises cette semaine, dont Into the Wild. Nous sommes allés hier.

Premièrement, le film est génial! Je n'ai pas encore lu le livre (l'Élu l'a prêté à mon frère et celui-ci n'a pas encore terminé. Il était d'ailleurs avec nous hier) mais j'ai quand même beaucoup aimé. Ceux qui l'ont lu m'ont confirmé que c'était extrêmement fidèle à l'histoire. Dans les remerciements du générique, d'ailleurs, on constate que la famille McCandless a apporté son support pour le film.

À part les vêtements des années 1990, franchement horribles, le sentiment d'inconnu, d'abandon et d'immensité nous envahi. Le film est constitué de deux «séquences» qui s'entrecoupent soit la dernière étape et objectif ultime de MacCandless: sa grande aventure en Alaska, et le périple qui l'a précédée. On apprend petit à petit l'histoire du jeune homme, sa colère envers ses parents et le monde de conventions auquel ils s'astreignent, camouflant et supprimant leur souffrance, imposant cette tension et cette violence à leurs enfants.

On constate rapidement que c'est la colère qui motive le jeune homme beaucoup plus qu'un désir d'absolu. Son imaginaire, alimenté depuis des années par Tolstoi, Jack London, Pasternak, etc., stimulent chez lui des idéaux plus grands que nature et crée une vision du monde distordue par l'univers littéraire. Il en devient aveugle au réel et sa quête bien que louable demeure un peu frivole et irresponsable. La preuve en est sa fin atroce et ironique. Après avoir donné tout son argent aux affamés du monde, il meurt lui-même de faim, prisonnier de la nature. L'homme du passé qui vivait dans la nature avait derrière lui un apprentissage et une culture de vie en forêt qui lui avait enseigné tout ce qu'il était nécessaire de savoir. Un homme moderne ne peut sérieusement penser survivre seul en forêt sans formation, simplement en ayant glané quelques trucs de base par-ci, par-là. Il est déjà incroyablement surprenant qu'il ait pu le faire pendant 10 mois.

J'aime de ce film qu'il n'idéalise pas l'homme et sa quête. J'aime qu'on montre aussi ses motifs inavoués, ses erreurs et ses regrets. Son aventure demeure exceptionnelle mais elle ne peut être le fait de tout un chacun.

Pendant le film, j'entretenais une conversation soutenue avec moi-même. Premièrement, l'histoire de McCandless fait naître l'envie. Un désir minuscule de partir et tout laisser derrière, affronter le monde et faire l'expérience de la vie. Mais je me suis rapidement demandée si ce désir n'était pas alimenté par la peur, s'il ne s'agissait pas en réalité d'une fuite de tout ce qui nous effraie dans notre vie, tout ce que nous ne voulons pas affronter.

Deuxièmement, je me suis demandée si ce désir n'était pas plutôt l'apanage de l'homme (dans le sens de mâle)? Ma conclusion est positive. Je ne saurais expliquer pourquoi, c'est juste une impression. Je ne dis pas qu'il n'existe pas chez les femmes mais je crois sincèrement que c'est plus présent chez les hommes. Pour un milier de raisons et pour rien aussi, parce que je crois que ça fait partie d'eux, de leur nature, de leur instinct. Je crois aussi que c'est stimulé par le besoin de se définir et de s'affirmer, chose qui est de plus en plus difficile pour beaucoup d'hommes dans la société moderne.

Troisièmement et finalement, j'ai pensé à moi et à l'Élu. J'ai pensé à cet Élu qui a attrapé le virus du voyage, qui a tellement besoin de ce sentiment d'être dépaysé, d'être dans un autre monde. J'ai pensé à moi qui fais un choix qui implique de laisser de côté l'aventure. Et ce n'est pas seulement «pour le moment», puisque le voyage n'a pas le même impact et ne se fait pas de la même façon dans la vingtaine que dans la cinquantaine. J'ai tendance à toujours vouloir tout faire, ne rien manquer. Mais c'est foncièrement impossible. Chaque choix que je fais pour ma vie implique de laisser de côté autre chose. Et je dois me rappeler pourquoi je fais ces choix et pourquoi ils sont importants pour moi. Je ne peux toutefois m'empêcher d'avoir peur. Cette maudite insécurité, maladie pour laquelle il n'y a ni vaccin ni cure. La peur que même s'il me dit le contraire, ces choix que nous faisons aujourd'hui, l'Élu et moi, il ne les regrette un jour. Ça l'enrage et je le comprends, il a l'impression que je ne lui fais pas confiance. Peut-être que je me soucis trop de son bonheur à lui et pas assez du mien... ou est-ce le contraire? Peut-être est-ce parce que je touche mon rêve du bout des doigts et j'ai peur qu'il me glisse des mains? Peut-être est-ce plutôt parce que mon rêve est si proche et que j'ai peur d'être aveuglé par lui au point de ne pas voir que je l'entraîne malgré lui? Car il n'y aura pas de retour en arrière possible. Est-ce que je vais arriver à cesser de croire que ce n'est pas seulement MON rêve mais le sien aussi, NOTRE rêve?

C'est beaucoup de questions et peu de réponses. La confiance est en fait, la seule réponse. La confiance en moi et mes choix. Ma confiance en lui. Notre confiance envers la vie qui, si souvent, nous apporte des réponses tellement simples.

Et c'est un peu la conclusion à laquelle on arrive au sortir de ce film, qui est beaucoup plus qu'un film selon moi, qui est aussi une grande histoire sur la vie. La conclusion qu'à force de se chercher, on finit par se manquer. Que pour se trouver, il faut fermer les yeux et plonger. Que la réponse qui nous fait si cruellement défaut ne se trouve pas à des miliers de kilomètres mais, plutôt, juste sous notre nez...

1 commentaire:

Moukmouk a dit...

Très intéressant, de belles question qui malheureusement ne peuvent se répondre sans un long exposé. Mais la représentation de la famille telle que nous le propose le monde actuel n'existe que depuis très peu de temps, et je crois ne fonctionne tout simplement pas. Dans beaucoup de communauté les femmes vivent ensemble au village et les hommes autour du village. Mais ce n'est qu'un exemple.