vendredi 28 mars 2008

Prison bleue

Je vous raconte ceci environ deux minutes après l'événement. La chroniqueuse mode de notre quotidien a apporté une burqa dans la salle de rédaction. Un ami militaire lui avait ramené d'Afghanistan dans le temps des fêtes, à sa demande. Par curiosité. Paraît que ça se vend comme des t-shirts là-bas. Un petit anneau de fil au sommet du tissu témoigne de la méthode avec laquelle elles sont accrochées.

Les hommes ont ri, ont peu réagi. Toutes les filles de la salle se sont toutefois regroupées autour du vêtement, intriguées. L'une d'entre nous l'a enfilée, puis ensuite une autre, et une autre. J'ai refusé de le faire, je n'en ressentais pas l'envie. Pourtant, toutes celles qui ont porté le vêtement ont dit ressentir un certain stress respiratoire, sortant de sous le tissu le visage rougi, essoufflées. Même en tant qu'observatrice, nous ne pouvions nous empêcher de ressentir un certain malaise. On ne voit pas grand chose sous la burqa. Et on ne voit absolument rien du visage de celle qui la porte. L'une de nous a suggéré que des hommes l'essaient. Intéressant comme idée non?

Bref, extrêmement troublant comme expérience, l'espace d'un instant. Nous avons ensuite parlé de la Tchétchénie qui, après avoir imposé le voile islamique, voulait imposer la burqa.

Je ne peux m'empêcher d'y voir un symbole fort et dangeureux. L'anihilation totale de l'identité, la répression de la femme et de son identité, la honte de la féminité au point où il faut la cacher. Je n'ai jamais été une grande fan du voile, encore moins de la burqa. Mais je me dis qu'au moins le voile ne dissimule pas le visage. Mais cette expérience-ci m'amène à conclure que ces bouts de tissus, qu'ils coûtent 10$ dans un marché de Kaboul ou 3000$ dans une boutique de couturier, restent le symbole de l'oppression de la femme et que toute autre argumentation, aussi sensée soit-elle, n'est que le vestige d'une éducation qui se transmet depuis des millénaires et qui tente encore de se justifier dans une société qui est loin d'être égalitaire entre les sexes mais qui fait des petits pas, une génération à la fois.

** Ajout: Je vous renvoie à un livre dont j'ai déjà parlé La Servante écarlate, de Margaret Atwood, qui raconte l'histoire d'une société occidentale qui a lentement glissé vers le conservatisme extrême jusqu'au point où les femmes ont perdu toute liberté et vivent selon des castes (épouse, reproductrice, domestique) et portent des vêtements qui les recouvrent en entier, anihilant leur identité et dont seule la couleur est symbole de leur fonction.

4 commentaires:

A.B. a dit...

J'aurais essayé la burqa par curiosité. J'aurais même poussé plus loin: la porter une journée entière, le samedi, où c'est bondé, au centre commercial afin de voir les regards qui auraient été portés sur moi. Ce doit être socialement très riche de le vivre alors qu'on est étranger à cette manière de vivre.

La Marsouine a dit...

Une des choses qui m'a fait m'abstenir est que j'étais sur mon lieu de travail et que «techniquement» j'aurais dû être entrain de travailler au lieu de m'extasier et débattre sur le caractère oppressif de la burqa :)

J'avoue que je n'oserais pas me promener en public en la portant. Je gère assez mal le jugement extérieur et bien que l'expérience serait très intéressante, je n'ai pas ce qu'il faut en moi de courage pour l'assumer

A.B. a dit...

Dis-toi que personne ne saurait que c'est toi, donc y'a pas à avoir peur du jugement extérieur ;o)
De mon côté, j'aime bien provoquer. Provoquer des discussions, des réactions, des regards, alors j'aurais jubilé sous la burqa (pour essayer quelques minutes/heures, pas en l'adoptant comme mode de vie, bien sûr).

Moukmouk a dit...

Ce qui a de pire c'est qu'on coupe dans nos hôpitaux, on crée du chômage, que nos soldats se font tuer pour qu'on continue à imposer cette oppression aux femmes. C'est la pire guerre qu'on puisse vivre, une guerre basée sur le mensonge.