jeudi 13 septembre 2007

Ce qui mène à la violence

Depuis deux jours, j'ai eu l'occasion de lire plusieurs textes sur ce qui s'est passé à Dawson, l'an passé. Je ne m'étais jamais vraiment attardé à l'auteur du drame, Kimveer Gill. Comme tout le monde, je ne voulais pas m'approcher d'un individu qui a commis un acte qui semble si peu humain. Je ne voulais pas le comprendre, je ne voulais pas voir quoi que ce soit d'autre en lui.

J'ai lu quelque chose à propos de vidéos, sur YouTube, qui font l'éloge de Gill. Ce soir, en tentant de savoir ce qui a bien pu se passer dimanche avec Britney Spears, j'ai eu l'impulsion d'aller voir ces vidéos. J'y ai lu ce que Kimveer Gill a écrit avant les événements du 13 septembre 2006. Et c'est à ce moment que j'ai compris beaucoup de choses. Pour que vous compreniez la suite, je dois vous expliquer ce qui suit.

Pendant toute ma scolarité primaire et secondaire, j'ai été un «rejet». Pour plusieurs raisons et pour rien en même temps, j'étais différente des autres. Ma famille était différente des autres. Mais, de par la taille de mon patelin, j'étais condamnée à faire toute ma scolarité avec les même 15 ou 16 autres personnes. Cette période est relativement floue dans ma mémoire. Ce que j'en sais, c'est ce que ma mère m'a raconté. Toutes les fois où je suis revenue en pleurant, en maternelle, en première année, parce que les autres me traitaient de nom et me disaient des choses que je ne comprenais même pas. Toutes ces inombrables récréations où je tentais de passer inaperçue ou encore de m'inclure dans un groupe, sans succès. Toutes les fois où on m'ignorait, où on me refusait dans une équipe, quand on refusait de venir à mon anniversaire... Quelques fois, les professeurs, le psychologue et autres intervenants, ont fait des sermons à ma classe pendant que j'attendais dehors. Je me faisais salement ramasser par les autres, une fois de retour en classe, parce que pour eux, j'étais toujours un problème et qu'à cause de moi, ils s'étaient fait chicaner. Ce serait très long d'énumérer tout ce qui faisait que pour moi, même si j'adorais apprendre, l'école était aussi un enfer.

Qui est responsable de ces situations? Je ne sais pas. Je sais toutefois qu'il y avait de la violence en moi, de la violence qui s'est exprimée à l'adolescence, quand j'étais en dépression, hystérique, que je voulais frapper ma mère, que je hurlais. Quand je voulais me faire du mal, quand j'ai essayé de passer à l'acte. J'écrivais alors, pour passer ma rage, pour passer ma peine. Je rageais contre le monde, contre les autres, contre la société. Heureusement pour moi, beaucoup plus tard, il n'y a pas si longtemps, j'ai compris que, peu importe si le problème venait des autres ou pas, la solution pouvait uniquement venir de moi. Et j'ai commencé à guérir. Oh, rien n'est terminée. Ma vie entière est influencée par ces onze années. Mais au moins, j'en suis consciente.

Et c'est ici que je fais le lien avec Kimveer Gill. Ce qu'il a écrit, ce que j'ai lu ce soir dans ce vidéo, je l'ai écrit cent fois quand j'étais ado. Des comme lui, il y en a des miliers. Pourtant, très peu vont en arriver à de telles extrêmes de violence. L'accès aux armes, peut-être? Je n'en sais rien. Rien au monde ne peut excuser ou sanctionner de tels actes. Mais, pour éviter qu'ils se reproduisent, il faut comprendre pourquoi ils se produisent. Je ne crois pas que quelqu'un qui n'est jamais passé par là puisse vraiment comprendre l'impact sur une personne d'être rejeté systématiquement. Ce que je constate, c'est que le rejet est encore un immense tabou. On ne reconnaît même pas l'existence d'un tel problème. Pourquoi? Parce que les personnes rejetés vont souvent «prendre leur trou». Ils vont se taire, se replier sur eux-mêmes et ruminer leur tristesse, leur douleur et leur rage en silence. C'est probablement pire pour les garçons, qui ne sont pas, socialement, encouragés à verbaliser leurs sentiments autant que les filles. Ils ne dérangent personne, donc pas besoin d'intervenir. Jusqu'à ce qu'ils pètent les plombs.

Je ne diminue en rien la gravité et le répréhensible des gestes de Kimveer Gill. Mais je crois comprendre d'où il vient et comment il en est arrivé à ne plus voir de solution. Et ça me rend triste.

8 commentaires:

B3tty a dit...

Dire que tous ça commence par la peur de la différence.

C'est très touchant ce que tu as écris!

Le professeur masqué a dit...

Votre texte me touche. J'ai passé mon secondaire à être fif parce que j'aimais l'école.

Dans ce dont vous parlez, il ne faut pas oublier l'accès aux armes et cette culture de la violence (jeux vidéos, musique, etc.) dans laquelle certains jeunes baignent. À elle seule, elle ne suffit pas à les pousser à l'acte, mais elle ne doit pas nuire non plus.

Amor Niamor a dit...

Excellent texte, d'une honnêteté bouleversante (surtout quand on te connaît). Ça y est, je t'admire vraiment.

Hortensia a dit...

Votre billet est touchant et très juste. Ce que vous dites est entièrement vrai: il m'est arrivé à quelques reprises d'avoir des étudiants chez qui je sentais que le fait qu'ils aient été rejeté toute leur enfance et leur adolescence faisait d'eux des bombes en puissance. À chaque fois, j'ai eu de la peine pour eux et j'ai eu peur qu'ils posent des gestes désespérés. Le pire est que c'est difficile de trouver comment entrer en contact avec eux.

Nada sur le net! a dit...

d'accord avec toi à 100/100...

La p'tite semaine a dit...

Très touchant ton texte en effet!

Nada sur le net! a dit...

ma peur, moi, c'est que mes enfants vivent cela... j'ai l'impression que, lorsqu'il seront en age d'aller à l'école, je n'aurais plus de contrôle pour ce genre de situation... bien sur, je ne veux pas non plus qu'il soit dans le camp des méchants!

La Marsouine a dit...

Je suggère la vigilance et surtout, prendre au sérieux leurs problèmes. C'est toujours bien d'en discuter avec le prof (sans lui mettre la faute sur le dos) mais je crois très sincèrement que quand les choses vont loin, il faut avoir recours à des professionnels...