vendredi 7 septembre 2007

Insécurité

Je suis entrain de lire mon nouveau lecteur (et en écrivant ceci, je suis toute gonflée d'orgueil!), le prof masqué. Comme d'habitude, lorsque je découvre un blog, je commence par me taper la totalité des archives. J'ai dû interrompre ma lecture en mars ce matin. Parce qu'une sensation de vide me tenaille les entrailles depuis une heure. Non, je n'ai pas faim, je viens de déjeuner. J'angoisse en fait.

Je lis ces profs qui blogguent et j'ai la trouille. J'ai eu 4 cours de pédagogie depuis le début de la semaine et j'ai dû remettre en question mon nouveau choix de carrière une quinzaine de fois minimum. J'ai consulté les offres de stages avant de dormir hier et j'en ai presque fait de l'insomnie. Moi??? Dans une école secondaire??? Devant des élèves qui me feront inévitablement peur??? Pfff! J'ai dû trop consommer de drogue à une certaine époque. L'enseignement en soi, le fait d'être devant une classe, d'être suffisamment structurée et disciplinée pour préparer un cours, juste ça, ça me fait badtripper!

J'imagine ensuite les préjugés autour : ah, vous les profs, deux mois de congé par année! vous ne travaillez même pas 40 heures semaine (calculant ici seulement le nombre d'heures de cours, la correction, la planification, la réflexion, etc. ça compte pas ça!). Je vais devoir justifier mon salaire toute ma vie à des gens qui ont l'impression qu'ils me payent de leur poche mais qui ne connaissent rien à ma réalité. En plus, je ne pourrai pas compter sur l'appui du milieu puisqu'il y a des guerres entre enseignants, entre les enseignants et leur syndicat, entre les enseignant et la direction, entre les enseignants et le ministère (il y a un couple d'opposants à créer avec tous les types d'intervenants sus-mentionnés). Dans quel bourbier me suis-je foutue?

Je capote très sincèrement et j'envoie cette bouteille à la mer: profs de tout acabits, bloggueurs ou lecteurs, je vous en supplie, pourriez-vous passer par ici m'encourager ou me parler de ce qui pourrait éventuellement me faire tripper quand je vais entrer dans une classe le 17 septembre?

10 commentaires:

Le professeur masqué a dit...

Les élèves. Ça, c'est la meilleure raison pour enseigner. Désolé de t'avoir découragée, Marsouine. Cesse de me lire, alors!

Enseigner est un beau métier, une fois que tu oublies tout le reste et que tu te concentres sur les jeunes. Ils me donnent la motivation, les sourires, la reconnaissance, le salaire, l'himanité qui manquent ailleurs. Je leur dis souvent à la boutade: «Sans vous, je ne serais pas là.»

Dobby a dit...

Voilà. On est là pour les jeunes, pour leur énergie, leur vitalité, pour tout ce qu'ils sont ou capables d'être, pour leurs poques autant que pour leurs bonheurs.

On a tous l'angoisse, à notre première session, de se dire "est-ce que je suis à ma place? Est-ce que je vais réaliser que je me suis trompée?" La réponse à cette question, ce n'est ni dans les blogues des autres profs ni dans les salles de cours à l'université que tu vas la trouver, mais bien pendant ton stage. Laisse-toi aller, observe, vis, donne, reçois, guide, punis, félicite. Meilleur moyen de savoir.

Le reste, ça s'endure assez vite, ça s'entourloupe assez vite, et surtout ça diffère d'une école, d'une CS à l'autre.

Bienvenue dans la blogosphère!

A.B. a dit...

Je comprends tes angoisses et tes remises en question; moi-même, je me remets en question pour un oui et pour un non: je suis perfectionniste et c'est un fardeau, parfois...

Toujours est-il que j'enseigne le français au secondaire depuis maintenant sept ans et je te répondrai la même chose que mes précédents collègues de la blogosphère: les élèves. Sans eux, nous ne sommes rien. Le reste, ça fait de beaux billets, ça nous excite le clavier, la souris et le sens critique. Quotidiennement, c'est le contact avec les jeunes qui fait rire, sourire et, parfois, oui, élever la voix (idéalement, on ne se fâche pas ou on fait semblant de le faire; l'idée: ne pas se submerger véritablement d'émotions fortes, positives ou négatives. Fin du mini-cours de pédagogie davec Safwan ;=P).

Ne pense pas à tout ce que tu as lu; pense au type de relation que tu veux avoir avec tes futurs élèves, à ce que tu veux leur laisser comme «héritage» de prof. Je crois que c'est plus positif, mais peut-être pas moins stressant...lol

Bonne chance pour ton stage. Laisse-nous savoir comment ça se passe!

Ness Eva a dit...

Je suis contente de lire ton billet parce que je constate que tu es déjà consciente d'une partie de réalité. C'est vrai, les gérants d'estrade vont constamment te dire que tu es payée cher et que tu as 2 mois de congé et que blablabla. Mais un moment donné, tu finis par les oublier. On s'habitue aux commentaires vides.

Je ne serai pas très originale, mais c'est vrai que les élèves sont là pour nous montrer qu'on a choisi le bon métier. La reconnaissance ne viendra peut-être pas tout de suite, mais à la longue, tu verras la différence que tu as faite chez ces élèves, enfants ou ados.

Ça fait 4 ans que j'enseigne. Je me remets en question à chaque année, mais je ne ferais rien d'autre au monde que d'enseigner.

Cette année, dans mes groupes, j'ai plusieurs élèves à qui j'enseignais l'an passé. Quand ile m'ont vue, ils étaient très heureux de m'avoir à nouveau comme prof. L'argent ne m'aurait jamais procuré autant de joie.

Bonne chance!! Et félicitations pour avoir choisi le plus beau métier du monde!!

Anonyme a dit...

Wow! Merci de tout ça!

@prof masqué: vos billets ne m'ont pas découragée en tant que tel. Et j'apprécie énormément d'avoir cet accès privilégié aux enseignants (les blogs). Avec tout le questionnement qui m'habite en ce moment, je ne pourrais pas aller voir tout plein de profs et leur demander de me parler de leur expérience. Votre blog et ceux de plusieurs autres enseignants sont une mine d'or d'information et de point de vue. Et même si je me laisse abattre quand mes appréhension face au milieu se confirme, j'apprécie malgré tout d'être prévenue :)

@dobby: OUF! je suis normale! merci! :) Et je compte retourner enseigner dans ma région où on manque cruellement d'enseignant. Cet élément uniquement me rassure déjà beaucoup car je me dis que je connais le milieu et malgré tout ses défauts, celui-là, je sais comment le gérer.

@safwan: vous me confirmer ce que je me répète depuis des mois pour me motiver, i.e. que tout va se préciser lorsque je serai en stage. J'avoue que j'ai une trouille immense mais j'ai aussi vraiment hâte. Paraît que les profs d'histoire partent avec un préjugé positif... on verra bien. Je vous tiens au courant, c'est promis!

@ness: je dois vous dire que je me considère comme un cas particulier, puisque j'entame ma formation enseignante avec un bacc disciplinaire dans le corps. Et je dois dire que, de ce que je vois dans le peu de cours que j'ai eu jusqu'à maintenant, les étudiants en enseignement sont incroyablement décevants. Je me considère chanceuse d'avoir pu emprunter un parcours certes plus long mais ô combien plus pertinent, à mon sens. Commencer une formation en enseignement à 24 ans est très différent que de la commencer à 19. Certains de mes collègues de classe étaient encore au secondaire quand j'ai commencé l'Université!

Merci à tous pour les encouragements et surtout merci de partager votre expérience, votre quotidien, vos frustrations et vos combats. C'est extrêmement enrichissant!

Le professeur masqué a dit...

La marsouine: j'ai commencé mon bac en enseignement à 24-25 ans, moi aussi. J,ai connu beaucoup de déception.

N'hésite pas à écrire ou à faire un billet si tu as des questions, des angoisses, des surprises!

Magrah a dit...
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Magrah a dit...

Marsouine, tout ce que tu dis est vrai!! :o) Et c'est aussi vrai que ça peut faire peur. Et je ne te mentirai pas: c'est aussi bien frustrant!! Mais on dirait qu'on s'y fait...

Quand on réussit à se concentrer sur le lien de cause à effet entre nos propres réussites et celles de nos élèves, on reçoit une puff de bonheur difficile à décrire. C'est un mélange d'accomplissement de soi et de fierté presque maternelle... bref, un bien beau feeling assez grisant pour avoir le goût de le ressentir tout le temps!! Et c'est là qu'on met tout en oeuvre pour que ça arrive le plus souvent possible, et c'est là que l'enseignement nous attrape par les tripes...

Mais il faut persévérer, ma chère. Ça n'arrive pas tout de suite. Ça prend quelques temps... et il faut donner le temps au temps!

Lia a dit...

Bonjour Marsouine! J'enseigne le français au secondaire depuis maintenant 12 ans. Au départ, je ne voulais pas du tout faire ce métier qui était celui de mon père! Les deux premières années ont été de la torture et, le dimanche soir, en pleurs, je disais à mon conjoint: "Demain, je démisionne." Mais notre cher collègue, le prof masqué, va dire que ça ne compte pas parce que j'enseigne au privé, hihihi! Je peux te dire, chère Marsouine, que depuis 12 ans, j'oublie souvent de vérifier si ma paie a été déposée dans mon compte, parce que ma motivation est tout autre. Je ne pensais pas vivre autant d'expériences enrichissantes au niveau humain. Oui, j'ai eu des engueulades avec des élèves ou des accrochages avec des enseignants aux visions opposées aux miennes. Oui, certains m'ont blessée dans leurs commentaires... mais ils ne sont pas la majorité et, comme dans le cas d'un accouchement, j'en ai oublié rapidement la douleur pour recommencer! J'ajouterai qu'étant curieuse de nature, j'ai trouvé là le métier idéal. Tous les jours, j'apprends quelque chose. Pour finir ce long plaidoyer, je crois sincèrement que les meilleurs enseignants sont ceux qui doutent continuellement. Vas-y, je crois que tu es de l'étoffe des grands!

Anonyme a dit...

Comme toi, au début, je paniquais...
pourquoi me suis-je tappé 4 ans d'université, j'veux plus être prof, j'veux plus être seule contre 30 élèves.

Voici les trois premiers événements qui me sont arrivé lors de ma première journée d'enseignement qui m'ont réconfortée dans mon choix.
1- Tous les "bonjour m'dame!" lorsqu'ils entrent dans la classe.
2- Les "pis m'dame, passez un bel été?"
3--et non le moindre- dans l'après-midi même, j'ai croisé des élèves qui me disaient "bonjour" dans les corridor. Intérieurement, je n'en revenais pas qu'ils me reconnaissent...
Puis, toute l'année s'est bien déroulée... je n'ai jamais vécu de traumatisme (se faire envoyer promener, je faire lancer des objets...)

Par contre, ca m'arrivait en stage.
Puis, je me suis rendue compte que c'est la job de stagiaire qui est ingrate. On prend la place du VRAI prof, de LA référence. Les élèves sont extremement loyaux.

Alors je le dis, avoir ses classes à soi, ca fait toute la différence. C'est un lien unique avec nos élèves.

Dans mon cas, être entre mes 4 murs, j'adore... c'est lorsque j'en sors que ca se gate parfois.